Pantin, le 09 mars 2002

À Mesdames et Messieurs les candidats à l’élection présidentielle 2002

Mesdames, Messieurs,
Dans le cadre de la campagne à l’élection présidentielle 2002, notre association Pantin-Patrimoine a décidé d’envoyer à chaque candidat déclaré un questionnaire dont le thème est la préservation, la réhabilitation et la mise en valeur de ce que l’on nomme communément le patrimoine architectural, urbain et paysager : notion à nos yeux essentielle puisqu’un peuple, s’il se caractérise à un moment donné par la somme de tous ceux qui le composent, se définit également par une mémoire collective : une langue, des lieux, des espaces , des sites, des monuments, une architecture, une manière d’être et de penser, tous éléments accumulés au fil du temps qui produisent une civilisation.
Dans un monde qui bouge, dont certains repères s’estompent, voire disparaissent, c’est aussi par ce biais les questions de l’identité collective et de sa transmission qui se trouvent posées.
L’élection présidentielle, dans notre pays, c’est la rencontre privilégiée d’un homme ou d’une femme et du peuple qu’ il ou elle souhaite représenter.
Bien sûr, nous savons que chacun d’entre vous, de par son histoire personnelle, ses engagements, ses choix philosophiques, les fonctions qu’il ou elle a pu occuper, ne peut avoir un avis sur tout et répondre précisément à toutes les questions que se pose la société. Mais la prétention aux plus hautes charges implique de s’interroger.
C’est pourquoi il nous semble important de vous poser ces questions et nous espérons de la part de chacun d’entre vous des réponses ; ne s’agit-il pas au-delà des idées générales et généreuses souvent énoncées, de savoir à quoi ressemblera la France de demain.
Que ces questions fassent partie du débat démocratique, que chacun d’entre vous - petit ou grand candidat - tente d’y apporter une réponse - sa réponse - nous semble profondément porteur pour l’avenir de notre pays, car, nous en sommes persuadé, loin d’être des questions traitant du passé, ce sont à l’évidence des questions ancrées dans l’avenir.
En vous remerciant de nous avoir lu et dans l’attente de vos réponses, veuillez Mesdames et Messieurs les candidats recevoir l’assurance de toute ma considération.

Michel Le Bec
Président de l’Association
Pantin-Seine-Saint-Denis Patrimoine


Au-delà des idées générales et généreuses ; pour savoir ce que sera la France de demain ; quinze questions posées par l’Association Pantin-Seine-Saint-Denis Patrimoine à tous les candidats se présentant aux élections présidentielles d’avril 2002

1. Qu’évoque pour vous le mot patrimoine ?

2. Comment définiriez-vous la politique que vous souhaitez mener en matière de défense et mise en valeur du patrimoine à l’échelon national ?

3. Une véritable politique du patrimoine mérite-t-elle à vos yeux l’existence d’un Ministère propre ou à tout le moins l’existence d’un Secrétariat d’Etat dotés de moyens réglementaires, humains et financiers suffisants ?

4. Depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, les partisans de la conservation du patrimoine et ceux de la « modernité » s’affrontent en un combat quasiment incessant.
Seriez-vous favorable à reconnaître le « passé patrimonial » de notre pays, à inscrire celui-ci, sous une forme ou une autre dans la Constitution et à prendre une mesure simple de préservation : à savoir la protection automatique de toutes les constructions antérieures à 1930, les permis de démolir ne pouvant être alors être délivrés que par des services patrimoniaux régionaux ou départementaux ?

5. La Fondation du patrimoine existe désormais depuis 1996. Limitée dans ses moyens, son action reste assez confidentielle. Seriez-vous favorable à l’extension de ses moyens et de ses compétences. En particulier seriez-vous favorable à ce qu’une partie des gains des jeux de la Loterie nationale soient transférés sur la politique patrimoniale ?

6. Seriez-vous favorable à ce que le mécénat d’entreprises se développe dans le domaine patrimonial. Si oui, comment concevez-vous l’action auprès de celles-ci pour les convaincre qu’il puisse s’agir là d’un investissement porteur ?

7. L’environnement sera l’une des grandes questions des années à venir. Comment concevez-vous l’interaction entre politique patrimoniale et politique environnementale ? En particulier seriez-vous favorable à la mise en œuvre rapide des dispositions de la directive Natura 2000.

8. Seriez-vous favorable à ce que, sur le modèle de la Commission du Vieux-Paris, soit créée en Ile- de-France, une Commission indépendante composée de personnalités qualifiées dont le rôle serait de conseiller la Région, Les Conseils Généraux, les Communes en terme de politique patrimoniale ?

9. Notre pays a subi tout au long de son histoire, des actes que l’on peut qualifier de « vandalisme patrimonial », particulièrement dommageables en terme de mémoire et de cadre de vie : les guerres, le « vandalisme révolutionnaire », les choix urbains contestables de la seconde moitié du XXe siècle en sont les causes les plus connues. Quel serait vote avis concernant un plan de reconstruction des éléments les plus remarquables de ce patrimoine disparu ? Etes-vous favorable à initier quelques expériences de ce type ?

10. Nos paysages sont souvent abîmés ou défigurés par des constructions liées à notre histoire civile, sociale ou économique. Des problèmes de moyens techniques ou financiers sont souvent avancés pour justifier leur maintien alors que leur caractère patrimonial voire historique ou pittoresque n’est guère prouvé –châteaux d’eau, entrepôts désaffectés, blockhaus de la 2ème guerre mondiale, etc… Pensez-vous que l’on ne puisse rien faire ou au contraire que l’on puisse mettre en place un plan pluriannuel d’éradication de ces « verrues paysagères » ?

11. Êtes-vous favorable à la remise à l’honneur des techniques et moyens de construction traditionnels ? Si oui quelles initiatives pensez-vous devoir ou pouvoir prendre pour que les milieux du bâtiment sortent « du tout béton » ? D’autre part, la France, première puissance forestière européenne, a quasiment abandonné le bois comme matériau de construction. De grands pays modernes font tout le contraire : pays scandinaves, Canada… ; qu’en pensez-vous ?

12. On peut légitimement penser que la majeure partie des bâtiments construits dans la seconde moitié du XXe siècle ne se verront guère reconnaître de valeur patrimoniale et qu’en conséquence leur durée de vie est d’ores et déjà réduite. Néanmoins certaines constructions présentent un intérêt évident tant du point de vue de l’histoire de l’architecture que du point de vue des techniques employées. Je pense entre autres à la Cité des Courtilières à Pantin. Ces bâtiments méritent-ils à vos yeux d’être préservés au titre de la politique patrimoniale ?

13. Trop souvent logement social et patrimoine sont deux notions que l’on oppose. L’expérience des cités jardins, des HBM, de certains lotissements prouve que l’on peut les réconcilier harmonieusement. Des efforts se font jour à nouveau depuis quelques années. Quelles initiatives fortes proposeriez-vous pour encourager cette problématique ? Seriez-vous favorables par exemple à ce que certains pavillons de banlieue sortent du domaine privé et deviennent « pavillons HLM », bon moyen d’éviter de construire toujours plus et d’éviter la surdensification qui s’annonce ?

14. Dans le cadre de l’urbanisation anarchique de la seconde moitié du XXe siècle, les entrées de ville ont particulièrement été dégradées. Quelles mesures de reconquête la puissance publique pourraient-elles mette en œuvre ? Un plan volontariste mené par l’Etat ne doit-il pas se substituer à l’inaction des communes ou agglomérations de communes sur ce chapitre de la vie urbaine ?

15. Peu de personnalités politiques parlent aujourd’hui des tendances démographiques lourdes qui se profilent à un horizon de quelques années, sinon en terme de retraites. Or la stabilisation, voire la baisse inéluctable de la population vont avoir des effets dévastateurs sur les villes, les villages et les banlieues. Êtes-vous, vous-même conscient de ce phénomène ? Comment pensez-vous que la société puisse l’accompagner ? Quelles en seront les conséquences, à vos yeux en terme d’aménagement du territoire, d’aménagement des villes et de politique patrimoniale. Comment concevez-vous le « rétrécissement urbain » qui s’annonce ?